Grâce, changement, liberté, mission – Mots clés dans les différents chemins de conversion

C’est le début du carême, la période de l’année où les chrétiens sont appelés à la conversion du cœur. Nous vivons actuellement l’Année ignatienne, elle qui nous rappelle le chemin de conversion qu’a parcouru Ignace de Loyola. Durant ce carême 2022, nous publions des articles parus dans la revue annuelle de la Compagnie de Jésus, « Jésuites 2021 ». Tout d’abord cette réflexion de James Hanvey sur les dimensions de la conversion.

Par James Hanvey, SJ - Secrétaire pour le Service de la Foi Curie Générale, Rome
[Tiré de la publication "Jésuites 2021 - La Compagnie de Jésus dans le monde"]

Que nous soyons nés dans une famille chrétienne ou que nous soyons devenus chrétiens plus tard, la conversion reste une expérience fondamentale pour celui dont la foi est vivante. Sans elle, pas de communauté chrétienne. Qu’elle ait été soudaine ou bien douce et graduelle au fil du temps, la conversion change une vie. Il y aura une nouvelle orientation, une nouvelle énergie, une nouvelle finalité ; il y aura un sentiment de paix et d’intégrité dans le vécu de la réalité de la foi qui ne diminue pas avec le temps, même sous la pression d’une opposition. L’ « ordinaire » de la vie peut rester là, de mille manières, mais d’une certaine façon, nous l’habitons autrement. Ce que toutes les « conversions » ont en commun, c’est une rencontre avec la réalité vivante du Christ. Dans ce sens, la conversion est toujours un retour vers lui.

Les dimensions de la conversion

Même si elle peut adopter des formes bien différentes, toute vraie expérience de conversion présente certaines dimensions communes.

En premier lieu, elle est vécue comme une grâce, c’est-à-dire, comme une chose qui est donnée et qui ne vient pas directement de nous-mêmes et de nos désirs propres, quelles que soient nos bonnes intentions. Bien évidemment, nous expérimentons tous des changements dans nos vies, certains sont voulus et choisis par nous-mêmes, d’autres sont imprévus, imposés par les circonstances. Cependant, nous reconnaissons dans la conversion quelque chose de différent. Même lorsqu’il y a une médiation, elle garde toujours la caractéristique d’être une chose que nous recevons d’un autre, le sentiment que nous sommes « convoqués ». En même temps, et même si elle a une puissance et une logique qui lui sont propres, la vraie conversion ne peut pas être imposée : elle nous invite à dire « fiat », à acquiescer et à consentir.

Cela veut dire que, dans la tradition chrétienne, la conversion a toujours une structure relationnelle ; elle implique l’affect et la volonté, en plus de l’intelligence. Elle est plus qu’un simple « eureka », l’intuition d’un moment, aussi transcendantale ou originale soit-elle. Dans ce sens, comme le signale le P. Arrupe, elle n’a pas seulement la capacité de nous rendre amoureux, mais de faire en sorte que nous le restions et que nous permettions à cet amour de devenir la raison d’être de notre vie. Bien loin de nous sortir du monde, ces expériences de conversion nous ouvrent à d’autres manières de vivre plus intensément dans le Christ et à faire grandir notre capacité de l’apprécier.

Il convient de noter, si nous regardons les hommes et les femmes des Écritures ou de l’histoire de l’Église, que la conversion n’est jamais un appel à un voyage en solitaire. C’est entrer dans une communauté qui est, elle-même, le fruit de la conversion.

Deuxièmement, la conversion induit un changement. Ainsi, la réalité de la conversion se fait chair dans les circonstances données d’une vie concrète ; elle devient une force capable de lui donner forme, d’insuffler un nouveau sens de finalité, de direction et, par là-même, d’avoir une répercussion sur d’autres vies. Le temps aidant, elle devient plus stable en créant en nous de nouvelles façons d’agir et d’entrer en relation. Elle devient une « habitude » ou une « manière d’agir ». Ceci dit, la conversion n’est jamais un simple changement de comportement, elle doit être également une transformation intérieure : une nouvelle manière de percevoir et de comprendre, un esprit nouveau et un cœur nouveau.

En plus de transformer une culture déjà existante, la conversion est souvent capable d’en générer une nouvelle. Ainsi faisant, elle devient une grâce efficace pour d’autres, en créant des relations, des cultures ou des environnements qui permettent que d’autres découvrent et embrassent un changement rédempteur et générateur dans leurs propres vies et dans leurs communautés.

2022-03-04_annuario21-71_cardoner

Par Ignasi Flores

La troisième dimension de la conversion est reconnaissable à partir des deux précédentes que nous venons d’identifier. Elle peut d’ailleurs être comprise comme le premier fruit ou le fondement du changement même : il s’agit de la liberté.

La conversion a pour base la liberté, présupposé de tout changement authentique. Le fait que Dieu s’interdise de nous contraindre est déjà la révélation de notre liberté. La liberté peut seulement exister et avoir un sens dans la relation, et non pas dans la solitude. La grâce de la liberté est justement dans le fait qu’elle vit dans les autres, des autres et pour les autres. À un niveau plus profond, la conversion à laquelle le Christ nous appelle est une conversion vers sa liberté propre. Elle s’exprime à travers l’offrande totale de soi comme un don pour le bien de l’autre : l’amour. C’est peut-être là qu’on trouve la conversion la plus profonde. Dans ce sens, elle est la réalité dans laquelle nous nous efforçons constamment d’entrer, la grâce que nous recherchons sans cesse mais que nous ne pouvons trouver que lorsque nous acceptons le risque du don de soi.

La quatrième dimension de la conversion est la mission. Dans les Écritures, à chaque moment de conversion, une mission est confiée. Et toutes les dimensions de la conversion que nous venons de voir participent à cette mission. La mission est quelque chose qui nous est confiée : elle ne nous appartient pas, elle nous est donnée par quelqu’un qui a le pouvoir de nous envoyer. Toute vie chrétienne est configurée par la mission, puisqu’elle participe de la mission du Christ. En effet, le Christ lui-même reçoit sa mission du Père, et il la vit dans l’Esprit Saint et par l’Esprit Saint.

Quel que soit notre appel à réaliser notre identité-mission chrétienne, nous serons toujours sur ce chemin de conversion, redécouvrant dans chaque circonstance de notre vie le sens qu’elle a pour nous et la manière dont nous sommes appelés à la mettre en pratique. Pour cette raison également, la conversion en tant qu’évènement et en tant que processus exige le discernement : cette recherche attentive, soutenue par l’esprit et le cœur de la foi, pour trouver dans nos relations et dans notre réalité concrète comment mieux servir Dieu qui nous offre la vie du Royaume, cette vie capable de guérir toute femme et tout homme, toutes les créatures.

Conversion pour l’Année ignatienne

Alors, pourquoi nous centrer sur la thématique de la conversion pendant l’Année ignatienne ? Parce que celle-ci est un appel permanent à reconnaître la grâce de Dieu, à être ouverts au changement, à faire travailler notre liberté, à rendre notre mission plus féconde.

Partagez cet article :
Publié par Communications Office - Editor in Curia Generalizia
Communications Office
Le Service des communications de la Curie générale publie des nouvelles d’intérêt international sur le gouvernement central de la Compagnie de Jésus et sur les engagements des jésuites et de leurs partenaires. Il assure aussi les relations avec les médias.

Articles associés