Ismael Moreno (Padre Melo) a des raisons d’espérer
Ismael Moreno, de la Province d’Amérique centrale, vit dans ce qu’il appelle un pays inexistant pour les médias : le Honduras. Un pays où sévit la violence et l’injustice. La vie de ce jésuite a été celle d’un engagement à fond pour la mission de foi et de justice, en particulier par la défense des droits des pauvres. Cet engagement lui a valu et lui vaut encore des menaces, des menaces de mort même. Au premier jour du congrès du SJES, alors qu’on célébrait diverses formes d’engagement dans l’apostolat social de la Compagnie de Jésus, on lui a demandé de témoigner de son expérience.
Surprise! Voici comment cet homme attaqué de toutes parts par les forces de mort, a commencé son intervention : « Il n'y a rien de plus beau dans ma vie que d’avoir reçu ce don de défendre les droits humains des personnes les plus démunies et les plus opprimées, et de le faire au nom de Dieu et de ma fragilité en tant que jésuite. »
Le thème de son témoignage : comment nourrir d’espérance notre apostolat social. Cette espérance, elle lui vient d’abord du Dieu de la Vie. Au milieu de la violence et de la mort, il reçoit la vie du Seigneur qui sait faire naître la lumière dans les ténèbres. Il perçoit les aspirations de Dieu vers de nouveaux matins. Sur un autre plan, son espérance est alimentée par la mémoire des martyrs de la lutte pour la foi et la justice. Au cours de ses 42 années d’engagement, il en a connus plusieurs, femmes et hommes, de toutes les couches sociales, penseurs et activistes, croyants et non-croyants. On les a tués. Mais leur mémoire ne le laisse pas en paix ; ces martyrs alimentent ses rêves et ses jours, ils le renvoient à Jésus de Nazareth. Les martyrs, a-t-il ajouté, étaient des personnes humaines imparfaites, avec leurs fragilités. Mais elles étaient prêtes à donner leur vie… ce qu’elles ont fait.
En évoquant ces personnes tuées au cœur des luttes, la voix du Padre Melo s’est brisée quand il a mentionné sa compagne de travail Berta Cáceres. Il avait prévu être avec elle pour une activité, la soirée qui a précédé son assassinat. Il l’a appelée pour lui dire qu’il était retenu ailleurs et que le trajet serait trop long pour ensuite la rejoindre ; il lui a reproché de l’avoir convoqué trop tard... Et c’est cette nuit-là qu’ils l’ont tuée !
L’espérance d’Ismael Moreno lui vient aussi de la générosité des gens simples avec lesquels il vit et travaille. Ils sont toujours prêts et heureux de partager le peu qu’ils ont, et même de lui laisser la meilleure place dans leur maison. Il y a aussi l’espérance de son équipe de travail, un grand nombre de laïcs, hommes et femmes, inspirés par la spiritualité de la Compagnie de Jésus, enthousiastes et joyeux, malgré un salaire bien maigre. La communauté jésuite - celles d’hommes engagés qui subissent parfois les regards suspicieux de secteurs plus institutionnels de l’Église et même de la Compagnie - est aussi source d’espérance au milieu d’un environnement souvent lugubre, alors que le service des petits est alimenté par la foi et dans la solidarité.
En somme, Padre Melo a témoigné de manière éclatante de la vie qui l’anime, celle de Jésus de Nazareth qui a manifesté son amitié pour les pauvres et les exclus.