Intégrer foi – vie – mission
De l’Équipe itinérante
(1998) au Réseau Itinérant de la REPAM (2019)
Par l'Équipe itinérante de l'Amazonie
Le pape François commence ainsi, d’un ton affectueux, son Exhortation apostolique : « Querida Amazonia » (Bien-aimée Amazonie). Il invite nos cœurs à battre au rythme de l’Amazonie en se faisant itinérant avec ses peuples : « C’est pourquoi il faut penser à des équipes missionnaires itinérantes et soutenir l’insertion et l’itinérance des personnes consacrées, hommes et femmes, pour être avec les plus pauvres et les exclus ». Une itinérance géographique et symbolique, en apprenant à connaître, à aimer et à défendre l’Amazonie avec ses peuples.
Laudato Si’ affirme que « tout est lié » (n. 16) et propose une « écologie intégrale » (n.10). Les quatre Préférences apostoliques universelles de la Compagnie de Jésus ne peuvent être intégrées que dans une connaissance aimante, intégrale, liée, notre cœur battant au rythme de l’autre : « montrer le chemin vers Dieu par le biais des Exercices spirituels et le discernement » nous conduit à « cheminer auprès des pauvres, des laissés-pour-compte de ce monde, de ceux qui ont été blessés dans leur dignité, dans une mission de réconciliation et de justice ». Il nous encourage également à « accompagner les jeunes dans la création d’un avenir plein d’espoir » et à « collaborer dans la sauvegarde de notre Maison commune ».
Ce lien intime exige la conversion du cœur, « moteur des affects », une métanoia que le P. Claudio Perani, SJ, fondateur de l’Équipe itinérante (EI) a formulé ainsi : « Parcourez l’Amazonie et écoutez les paroles du peuple : ses requêtes et ses espérances, ses problèmes et ses solutions, ses utopies et ses rêves. Prenez part à la vie quotidienne des gens. Notez tout et inscrivez-le avec le plus grand soin, avec les mots du peuple. Ne vous souciez pas des résultats, l’Esprit montrera le chemin. Courage ! Commencez là où vous pourrez ».
Dans la vie que mène à
découvert l’EI en mission, les quatre PAU sont liées, elles ont un « même
cœur ». Une vraie itinérance spirituelle vers Dieu nous conduit vers une
vie plus compliquée là où elle est menacée, en aimant les pauvres, en
sauvegardant l’avenir des jeunes et en défendant la vie de tous les êtres qui
habitent la Maison commune, avec qui nous formons une communauté ; nous
sommes des « frères et sœurs de sang », de création.
L’Équipe itinérante intègre foi-vie-mission, une spiritualité à découvert, qui nous permet de sortir de notre zone de confort : « être avec ceux dont personne ne veut être, là où personne ne veut être, comme personne ne veut être », là où les blessures sont plus ouvertes et la vie est plus menacée. Des hommes et des femmes laïques, religieux, des prêtres qui font « communauté en chemin » dans les villes et les villages, comme Jésus (Lc 8,1ss), au service du Royaume de justice. Leur mission est géopolitique : aimer-sauvegarder-défendre la Vie abondante (Jn 10,10), Bien Vivre - Vivre Ensemble amazonien. C’est une « Église en sortie », itinérante : « L’intimité de l’Église avec Jésus est une intimité itinérante, et la communion “se présente essentiellement comme communion missionnaire” » (Evangelii gaudium, n. 23).
L’ÉI œuvre en faveur
d’une cosmovision territoriale amazonienne connectée, géopolitique, « de
l’intérieur », en discernant la mission avec les gens, en cheminant
ensemble, synodalement, en générant des processus, en tissant des réseaux
transfrontaliers pour faire face aux grands défis amazoniens. Additionner les
charismes, les cultures, les personnalités, les congrégations, les
institutions, pour parvenir ensemble là où seuls nous ne pouvons arriver ni ne
devons aller. La diversité est un principe théologique trinitaire de
l’EI : plus il est divers, plus il est divin, dans le respect de l’unité,
dans la diversité et la complémentarité.
Le service itinérant est
« trinitairement » complémentaire des services institutionnels et
insérés dans la mission :
- Institutionnel, « Dieu Père » : garant
de la stabilité et de la continuité de la mission. Exemple : collèges,
hôpitaux, maisons d’accueil spirituel, paroisses.
- Insertion, « Dieu Fils » : assure
la proximité, l’ « incarnation » auprès des pauvres et des
blessures de la planète. Exemple : communautés de base, rurales, insérées,
périphéries urbaines, hameaux.
- Itinérant, « Esprit Saint » :
peut accéder là où les institutions et les insertions ne le peuvent pas ; il
assure visibilité, connectivité, inclusion et unité des deux côtés des
frontières (géographiques, symboliques).
Plus ces trois services missionnaires vont être
équilibrés et articulés, plus efficace sera leur action sur le terrain.
Le Réseau ecclésial pan-amazonien (REPAM) et la Conférence des religieux de l’Amérique latine et des Caraïbes (CLAR), comptant sur l’expérience de l’ÉI et d’autres équipes missionnaires mobiles, peuvent tisser aujourd’hui le Réseau itinérant dont la première rencontre a eu lieu à Manaus, en août 2019, avec 60 participants originaires de sept pays amazoniens.
Le synode pour
l’Amazonie (octobre 2019) a été (et est) kaïros.
L’intervention de sœur Arizete Miranda CNS-CSA, fondatrice de l’ÉI et mère
synodale, a été fondamentale ; le Pape lui-même l’a citée pendant la
plénière : « Sœur Miranda a utilisé un mot clé qui DÉBORDE : ITINÉRANCE ».
L’itinérance amazonienne déborde, nous ne la maîtrisons pas : elle nous
ouvre à l’Esprit, la Providence prend soin de nous et conduit le peuple et les
pauvres par la main.
Le document final vient renforcer le DÉBORDEMENT de l’ITINÉRANCE :
« Jésus nous a indiqué, à nous ses disciples, que notre mission dans le monde ne peut pas être statique, mais qu’elle est itinérante. Le chrétien est un itinérant » (n.21).
« Les équipes missionnaires itinérantes en Amazonie, qui tissent et construisent des communautés en chemin, aident à renforcer la synodalité ecclésiale. Celles-ci peuvent unir divers charismes, institutions et congrégations, laïcs, religieux et religieuses, prêtres. Réunir ces différents acteurs là où on ne peut pas le faire seul » (n. 39).
« Nous proposons un réseau itinérant qui rassemble les différents efforts des équipes qui accompagnent et dynamisent la vie et la foi des communautés en Amazonie » (n. 40).
« Nous soutenons l'insertion et l'itinérance des personnes consacrées auprès des plus démunis et des exclus » (n. 98).
Que l’Esprit de Dieu nous
pousse à itinérer-ramer vers des eaux plus profondes et à y jeter les filets
pour pêcher (Lc 5,4), avec la BIEN-AIMÉE AMAZONIE.
[Article tiré de la publication "Jésuites - La Compagnie de Jésus dans le monde - 2021", par l'Équipe itinérante de l'Amazonie]