Se réveiller et prendre conscience, agir et prendre soin – La culture de la protection
Considérant l’avenir, rien ne doit être négligé pour promouvoir une culture capable non seulement de faire en sorte que de telles situations ne se reproduisent pas mais encore que celles-ci ne puissent trouver de terrains propices pour être dissimulées et perpétuées. La douleur des victimes et de leurs familles est aussi notre douleur ; pour cette raison, il est urgent de réaffirmer une fois encore notre engagement pour garantir la protection des mineurs et des adultes vulnérables.
Par John Guiney, SJ, et
Michelle Hennessy - « Promouvoir une culture cohérente de la protection »
(PCCP), un projet du Secrétariat pour la Justice sociale et l’Écologie.
[Tiré de la publication "Jésuites 2021 - La Compagnie de Jésus dans le
monde"]
L’appel à la conversion
Cet appel du Pape François est un appel à la
conversion. Une conversion de notre intelligence pour réaffirmer notre
engagement en faveur de la protection, et une conversion de nos cœurs pour
mettre les victimes et ceux qui sont en situation de risque au premier plan de
nos efforts de protection. Pour relever le défi des abus, il est vital de
comprendre et d’envisager les facteurs culturels, à l’intérieur et à
l’extérieur de l’Église, qui les rendent possible et qui les perpétuent ; il
nous faut, aussi, accompagner les victimes, humblement, sur le long et
douloureux chemin de la guérison et de la réconciliation. C’est une question de
justice. La 36e Congrégation générale a confié au Père Général la
mission de promouvoir une « culture cohérente de protection et de sécurité des
mineurs » dans toutes les communautés et les œuvres de la Compagnie de Jésus.
La réponse du Père Général a été la mise en route, en 2018, d’un projet
intitulé « Promouvoir une culture cohérente de protection » (PCCP) au sein du
Secrétariat pour la Justice sociale et l’Écologie (SJES).
L’appel à écouter les victimes
Pendant trop longtemps, la réponse de l’Église a été marquée par une culture du silence, du secret et de la négation. Ce secret, ce silence et ce réflexe de regarder ailleurs, de la part du personnel de l’Église et de ses structures provoquent l’appel à la conversion, au renouvellement intérieur et à la compréhension les causes ultimes des abus. Cette compréhension est fondamentale, afin que nous puissions prévenir le mal et répondre avec plus de compassion lorsque l’abus a lieu. C’est ce qui arrive lorsque nous écoutons les victimes. Écouter les voix et les histoires des victimes nous pousse à prendre soin et à protéger avec plus de diligence et d’affection.
Le cycle du réveil, de la prise de conscience et de l’action
Le projet PCCP s’est mis en place afin de connaître,
le plus précisément possible, l’état actuel de la culture de protection dans le
cadre de la Compagnie de Jésus au niveau mondial ; aussi, il a cherché à
identifier comment renforcer et promouvoir ladite protection. Le projet
reconnait que les Provinces, Régions et œuvres de la Compagnie de Jésus
cheminent dans la même direction, avec l’objectif de mettre en œuvre des
politiques solides de protection. Certaines Provinces ont une longueur d’avance
; c’est pour cela que le projet considère cette situation de façon similaire
aux cycles pastoraux. Il y voit un cycle permanent de réveil, de prise de
conscience et d’action, où chacun de ces aspects peut avoir besoin d’être
renforcé à un moment donné, selon l’évolution de la réponse de protection. Il
reconnait également qu’il ne suffit pas de respecter une série de directives de
protection des personnes vulnérables, mais qu’il faut un engagement et une
conversion pour que l’accompagnement soit véritablement évangélique. C’est très
encourageant de constater comment cette approche réveille à nouveau et renforce
la prise de conscience qu’une formation théorique et pratique, permanente et
systématique, est indispensable.
Qu’est-ce que cela nous apprend ?
La Compagnie progresse dans la compréhension de sa responsabilité, de la nécessité de rendre des comptes et de la transparence en ce qui concerne la protection. Les Préférences apostoliques universelles nous offrent la possibilité d’avancer tous d’un même pas, en priorisant la culture du soin et de la protection - tel qu’il est clairement exprimé à travers l’engagement à cheminer auprès des exclus et de supprimer toute forme d’abus et d’exploitation. Nous sommes encouragés à accepter que nous sommes responsables de la manière dont nous établissons des rapports avec les autres, et dont nous prenons soin les uns des autres ; accepter aussi que nous ayons des comptes à rendre envers toutes les personnes à qui nous rendons service, ainsi qu’à concentrer nos efforts pour que la protection des mineurs ou des victimes prévale sur celle de l’institution ; sans oublier d’affronter les abus ouvertement et dans la transparence. Dernièrement, nous avons pu observer un virage positif vers une approche plus centrée sur les victimes, ainsi que le renforcement des actions orientées vers l’écoute, l’accompagnement et la recherche de la justice.
Dès les premières phases du projet, nous avons
constaté l’importance d’une stratégie permanente, proactive et réflexive afin
que les politiques et les directives puissent être vraiment concrétisées sur le
terrain, en s’adaptant à chaque contexte et à la sensibilité de chaque culture.
Ceci exige une compréhension des facteurs culturels qui favorisent les abus de
pouvoir, sexuels et de conscience.
Une nouvelle manière de prendre soin
La Lettre apostolique du pape François de mars 2019 «
Sur la protection des mineurs et des personnes vulnérables » énonce clairement
une manière de prendre soin qui nécessite un changement du cœur dans la manière
de regarder, de juger et d’agir. Ceux qui dénoncent les abus ne sont pas nos
ennemis, mais des amis qui ont besoin d’être accompagnés et soignés. Nous
sommes ainsi invités - en tant qu’Église et, par conséquent, en tant que
Compagnie de Jésus - à emprunter un chemin de conversion. Comme l’exprimait la
théologienne Rita Ferrone dans la revue Commonweal,
nous devons « entrer dans une expérience pascale, la mort d’une manière d’être
et d’entrer en relation avec l’autre, et la résurrection d’une nouvelle manière
de cheminer ensemble, en tant que communauté et en tant qu’Église ».