C. Joe Arun, SJ - Province de Chennai
[Tiré de la publication « Jésuites 2022 - La Compagnie de Jésus dans le monde »]

LIBA, une École de Commerce jésuite qui chemine avec les exclus.

Le professeur Lakshmi Narayanan enseigne les finances ; issu d’une famille hindoue conservatrice, il a été récemment formé au discernement ignatien. Ainsi, il affirme : « Le discernement ignatien a changé ma façon de prendre des décisions. J’ai appris à reconnaître les mouvements intérieurs, les orientations et les intentions dans la prise de décisions. Maintenant, je vois les choses autrement ; même ma façon d’enseigner est différente. » Il se sent transformé, il se sent ignatien malgré son appartenance à l’hindouisme.

Le Loyola Institute of Business Administration (LIBA – Institut des Sciences de l’entreprise), de la Province jésuite de Chennai (CEN), l’une des principales écoles de commerce de l’Inde, met en œuvre les Préférences apostoliques universelles (PAU), tout particulièrement en marchant « avec les pauvres, les parias du monde, ceux dont la dignité a été violée, dans une mission de réconciliation et de justice ». L’institution a donné une nouvelle orientation aux formes d’apprentissage des élèves et aux formes d’enseignement des professeurs. Les orientations des PAU ont changé l’approche de ce que doit faire une école de ce genre dans la formation des futurs chefs d’entreprise. Professeurs et étudiants ont publié des articles de recherche dans des revues spécialisées sur l’utilisation de cette méthode. Cela a impacté profondément la vie de professeurs et d’étudiants.

« Même si je suis catholique de naissance, découvrir les PAU des jésuites a changé ma vision de la vie. Maintenant, je vois le Christ autrement. Tout a changé dans mon enseignement, le contenu et la méthode. Je dis à mes étudiants qu’il est plus important d’avoir un impact dans la vie des personnes que de tirer du profit » affirme le Dr. Siluvai Raja, professeur de l’esprit de l’entreprise au LIBA.

Catherine Alex, en deuxième année de Maîtrise en gestion d’entreprise (MBA pour le sigle en anglais), témoigne : « Tous les jours, je regarde les citations ignatiennes affichées ici et là dans l’Institut, ainsi que les PAU qui inspirent les pères jésuites. Elles se sont introduites dans mon cœur, inconsciemment, et je suis maintenant convaincue que je dois faire de ma vie quelque chose de différent pour aider les pauvres et aussi pour prendre soin de la Terre. »

Les étudiants font une expérience d’immersion rurale dans les communautés des dalits, et comprennent la douleur des marginalisés. Ceci a un profond impact sur leur apprentissage durant les différents cours. L’année dernière, ils se sont rendus dans les petits villages proches de la mission de Harur, dans la province de Chennai. Au moment de partager leurs réflexions, beaucoup d’entre eux ont affirmé que le fait de voir la vie réelle des femmes et des enfants dalits pauvres a eu une grande influence sur leur apprentissage. Elma Evangeline, étudiante en deuxième année, s’exprimait ainsi : « La situation si difficile des enfants dalits pauvres que nous avons découverte dans l’école de Harur m’a transformée. C’était une conversion du cœur : maintenant, je suis une nouvelle Elma. Lorsque je travaillerai dans une entreprise, cette expérience servira de boussole dans ma vie au sein du monde des affaires. »

En plus du travail d’encouragement auprès des entreprises rurales et du soutien aux femmes dalits, le Centre C.K. Prahalad pour l’Inde Émergente du LIBA a fait le choix de travailler auprès des personnes transgenre. Après avoir fini sa formation informatique, Gaythri, l’une des transsexuelles, témoigne : « J’étais une travailleuse du sexe ; chaque jour, c’était l’enfer. Puis, j’ai dit « ça suffit ». Je voulais commencer une nouvelle vie. Je me suis donc inscrite au programme de formation du LIBA et j’y ai appris à utiliser un ordinateur. C’est une grande joie pour moi d’avoir décroché un travail au métro de Chennai. Les mots me manquent pour remercier le LIBA : ils m’ont offert une nouvelle vie. Le LIBA est pour moi un dieu qui m’a montré un chemin. » Le travail du LIBA auprès des transsexuels a impacté également les étudiants et les professeurs. Un enseignant affirmait : « J’ai toujours eu peur de regarder les transsexuels ; je pensais qu’ils n’étaient pas des personnes normales. J’avais horreur de m’approcher d’eux. Lorsqu’on m’a demandé de m’investir dans le programme de formation, j’ai d’abord eu des doutes, mais j’ai commencé à les apprécier et l’énergie qu’ils dépensent dans leur travail est source d’inspiration. Maintenant, je les vois différemment. » Parmi les élèves du LIBA qui ont collaboré à cette formation, certains ont dit que cette activité les avait conduits à une conversion personnelle et qu’ils ne regardaient plus les personnes transgenre de la même manière. L’une d’entre eux affirmait : « Lorsqu’un jour je travaillerai dans le monde des affaires, je veillerai à employer des personnes transgenre dans mon entreprise. »

Bref, les PAU permettent aux étudiants et aux professeurs de voir les choses sous un autre angle. Je pense que cela aura un grand impact dans le monde de l’entreprise qui sera le leur. En tant que jésuite travaillant dans une école de commerce, je veille de tout cœur à ce que les PAU soient des points de repère, un horizon qui guide professeurs et étudiants. Je leur dis : « Dans une école de commerce jésuite, la vie des pauvres et des marginalisés doit être au cœur du processus de formation tout au long des études. » Et ils le comprennent et cherchent à s’ajuster à cette vision. Quant à moi, ceci me permet de voir ma « mission dans la vie » de façon renouvelée.